L'or, qui a dépassé pour la première fois 900 dollars l'once vendredi à New York, brille de tous ses feux: la dégringolade du dollar, les incertitudes géopolitiques et économiques, et la flambée du pétrole composent un écrin idéal pour la reine des valeurs refuges.
S'opposant au retour au système monétaire de l'étalon-or, l'économiste Keynes avait qualifié le métal jaune de "relique barbare". Rien ne semble aujourd'hui moins vrai: l'or affole, comme jamais, les investisseurs.
Après avoir pulvérisé le 2 janvier un record historique qui remontait au second choc pétrolier (850 dollars touchés en janvier 1980), le cours au comptant du précieux métal a atteint vendredi 898,03 dollars sur le London Bullion Exchange. Sur le Comex, le marché new-yorkais, il a même touché 900,10 dollars l'once, pour le contrat à échéance en février.
2008 démarre donc en fanfare, après un cru 2007 déjà exceptionnel: sur un an, les cours s'étaient envolés de plus de 30%.
Les raisons de l'engouement pour le plus traditionnel des placements ne manquent pas. "Les investissements en or sont entraînés par un certain nombre de facteurs incluant son statut de valeur-refuge, les inquiétudes sur les perspectives du dollar, et les craintes d'inflation", a énuméré Dan Smith, analyste de la banque Standard Chartered.
Plus le dollar va mal, mieux l'or se porte: il existe une forte corrélation inverse entre le cours du billet vert et celui de l'or. Or, en un an, le billet vert a perdu jusqu'à 14% de sa valeur face à l'euro et il a frôlé fin novembre 1,50 dollar pour un euro. Les investisseurs hors zone dollar en profitent pour bourrer leur portefeuille d'or, une matière première vendue en dollars.
Ensuite, la montée des incertitudes, géopolitiques comme économiques, fait jouer au métal son rôle de valeur défensive. Une récession économique aux Etats-Unis pourrait ralentir l'ensemble de l'économie mondiale. Ce scénario se renforce, à en juger par la pluie incessante des mauvaises nouvelles, avec, dernière en date, le bond du chômage américain. Et les risques géopolitiques sont montés d'un cran après l'assassinat de l'ex-Premier ministre pakistanaise Benazir Bhutto le 27 décembre.
Traditionnel bouclier anti-inflation, l'or profite également de la hausse des prix du pétrole et des tensions inflationnistes qui en découlent. Les prix du pétrole ont touché pour la première fois 100 dollars le baril le 2 janvier à New York. Dans la zone euro, l'inflation a atteint 3,1% sur un an en décembre, son plus haut niveau depuis six ans et demi, et elle inquiète les responsables économiques américains.
Des tensions sur l'offre physique de métal ont encore accéléré le mouvement. Et la production minière en Afrique du Sud a été très perturbée au dernier trimestre 2007: une série de graves accidents a conduit les mineurs sud-africains à déclencher une grève nationale début décembre et le gouvernement à lancer un audit sur les conditions de sécurité de toutes les mines du pays.
Dans ce décor déjà très haussier, deux éléments ont donné cette semaine plus de lustre encore à la "relique barbare".
Le marché à terme de Shanghai, métropole économique et financière chinoise, a lancé mercredi ses premiers contrats sur l'or, sept au total. "Ceci encourage les investissements en or en Chine, bien que les plus petits investisseurs soient dissuadés par la taille miminum du contrat, d'un kilo (d'or)", a commenté Dan Smith.
Enfin, les indices de matières premières --notamment ceux calculés par Dow Jones ou Goldman Sachs-- étaient en cours de révision cette semaine, comme en chaque début d'année. Or, dans un contexte d'incertitudes accrues, la part de l'or dans ces indices a sans doute été renforcée.
2008 promet d'être une année... en or: "Les prix pourraient bien toucher 1.000 dollars l'once durant l'année" pronostique Dan Smith.
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