La Banque du Japon se résout à adopter des taux négatifs pour revigorer l'économie
AFP le 29/01/2016 à 08:32, mis à jour à 10:23
La Banque du Japon (BoJ) a surpris en annonçant vendredi l'instauration de taux d'intérêt négatifs, un nouvel outil à sa palette destiné à dynamiser une économie malmenée par les turbulences actuelles sur les marchés.
A la Bourse de Tokyo, cette annonce a fait bondir l'indice Nikkei qui a fini en hausse de 2,80%.
"Le gouverneur Haruhiko Kuroda a bâti sa réputation en changeant de cap sans crier gare, et la décision de ce jour ne fait que conforter sa réputation", a réagi Capital Economics dans une note.
La BoJ va désormais faire payer les banques qui placent leurs liquidités dans ses coffres plutôt que de les prêter à des entreprises et particuliers. Il s'agit de la sorte de stimuler le crédit et donc l'activité économique.
Elle marche ainsi dans les pas de la Banque centrale européenne (BCE), devenue en juin 2014 la première grande banque centrale du monde à tester les taux négatifs.
Cette mesure, qui a été adoptée par une courte majorité (5 voix contre 4), pourrait être amplifiée "si jugé nécessaire", a promis l'institution.
La BoJ est confrontée à une tâche titanesque pour vaincre 15 années de déflation, un phénomène pernicieux qui incite les consommateurs et les firmes à reporter achats et investissements dans l'attente de tarifs plus faibles encore, entraînant une spirale négative de ralentissement de l'activité, baisse des salaires et nouvelle baisse des prix.
Tableau des cotations de la Bourse dans une rue de Tokyo, le 29 janvier 2016
Tableau des cotations de la Bourse dans une rue de Tokyo, le 29 janvier 2016 ( AFP / YOSHIKAZU TSUNO )
Le comité de politique monétaire a par ailleurs reconduit à l'identique son vaste programme de rachat d'actifs d'un montant actuel de 80.000 milliards de yens par an (quelque 600 milliards d'euros), qui était resté inchangé depuis fin octobre 2014.
La banque centrale explique avoir décidé de passer à la vitesse supérieure du fait de "la volatilité des marchés financiers mondiaux, sur fond de poursuite du déclin des prix du pétrole et d'incertitudes dans les pays émergents et exportateurs de matières premières, en particulier en Chine".
- Reprise fragile -
Les cours du brut ont récemment chuté au plus bas depuis 2003, les places financières ont trébuché - à Tokyo, le Nikkei a subi son pire début d'année depuis 1949 - et le yen s'est renforcé, un élément susceptible de heurter les profits des firmes exportatrices nippones.
"Pour ces raisons, il y a un risque grandissant" que le moral des entreprises japonaises soit affecté et la fin de la déflation retardée, justifie la BoJ.
La reprise reste très fragile dans l'archipel: selon des statistiques publiées vendredi par le gouvernement, l'inflation était quasi nulle en décembre, la consommation des ménages et la production industrielle ont chuté.
Après des débuts encourageants, les effets de la politique de relance du Premier ministre conservateur Shinzo Abe (appelée abenomics) se sont essoufflés et les critiques se sont multipliées face à des réformes structurelles jugées insuffisantes.
Le chef du gouvernement vient en outre de perdre un des artisans de cette ambitieuse stratégie, le ministre de la Revitalisation économique Akira Amari, emporté par un scandale financier.
Pièce maîtresse du dispositif, la banque centrale a, sous l'impulsion de son gouverneur Haruhiko Kuroda, profondément réformé en avril 2013 la politique monétaire en ciblant une inflation de 2% via un massif programme d'"assouplissement qualitatif et quantitatif" (QQE). Elle espérait initialement atteindre son objectif en deux ans, mais elle a entretemps été contrainte de repousser l'échéance à plusieurs reprises.
En décembre, l'institution avait apporté des ajustements techniques à son programme, sans en changer l'ampleur, une annonce qui avait déçu les marchés.
Cette fois, les avis étaient partagés face à ce qui apparaît pour certains comme une solution de "dernier recours", à l'impact incertain, a commenté Koichi Fujishiro, de l'institut de recherche Dai-ichi Life, joint par l'AFP. "Il y a le sentiment que la BoJ a peut-être épuisé tous les outils techniques à sa disposition", a-t-il dit.
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